FANTÔME DE ROY (Thomas Becket) in Montréal

l’opéra «Fantôme de Roy», une histoire médiévale ancrée dans le contemporain

La compagnie lyrique Chants libres présentera, en collaboration avec Musiktheatertage Wien, la première canadienne de l’opéra contemporain Fantôme de Roy, qui raconte l’histoire de l’assassinat en 1170 de Thomas Becket par les chevaliers du roi Henri II Plantagenêt. 
 L’opéra, qui sera présenté les 23, 24 et 25 octobre à l’église Sacré-Cœur-de-Jésus de Montréal à 19 h 30, est composé par Thomas Desi, écrit par Thomas Ballhausen en s’inspirant des textes de Guernes de Pont-Sainte-Maxence et interprété par Marie-Annick Béliveau (voix), Jonathan Barriault (guitare électrique), Olivier Saint-Pierre (orgue), un chœur et d’autres voix solistes. Thomas Desi et Marie-Annick Béliveau se sont connus il y a près de 30 ans à l’abbaye de Royaumont, en France, dans le cadre de l’Académie Voix nouvelles, qui a pour objectif la création de nouvelles œuvres vocales. Pour la création à Vienne de Fantôme de Roy, Thomas Desi a repris contact avec Marie-Annick Béliveau en 2022 afin de lui donner le rôle de narratrice. À la suite de la création, les deux artistes parlaient déjà de reproduire l’œuvre à Montréal.
 Cet opéra relate l’amitié entre le roi Henri II Plantagenêt et son bras droit, Thomas Becket. Henri II veut mettre Becket à la tête de l’Église en Angleterre, en lui donnant la fonction d’archevêque de Cantorbéry. Ce dernier n’a aucune envie d’occuper ce poste. Il finit par changer d’avis par rapport au roi. « Il a dit : “Maintenant, j’ai un nouveau maître, c’est Dieu” », décrit Thomas Desi. 
 Pris de colère, le roi aurait par la suite tonné : « N’y aura-t-il personne pour me débarrasser de ce prêtre turbulent ? » Cela est interprété par ses chevaliers comme « une invitation à aller assassiner son ancien ami », poursuit le compositeur. Il meurt dans la cathédrale de Cantorbéry le 29 décembre 1170. Il est canonisé trois ans plus tard et le roi doit « porter l’opprobre d’être celui qui a fait assassiner ce saint homme », ajoute Marie-Annick Béliveau.
 Des ponts avec le présent
 Le rôle de narratrice de Marie-Annick Béliveau est en moyen français, une variante du français parlée à l’époque médiévale en France ainsi qu’à la cour d’Angleterre, et qui détient plusieurs liens de parenté avec le français québécois.
 « [Pour les interprètes], on a fait appel à des personnes de la communauté, je dirais. Des citoyens. », précise Marie-Annick Béliveau, qui est également la directrice artistique de Chants libres. Certains des chanteurs et chanteuses ont déjà reçu une formation musicale, mais pas tous. Ce choix de mise en scène permet une diversité de profils, d’âges et d’origines, ce qui est conforme à la réalité montréalaise d’aujourd’hui, affirme-t-elle. 
 La chanteuse lyrique soutient que, si l’intrigue de la pièce se passe au 12e siècle, elle fait écho à notre présent à plusieurs reprises, d’où l’intérêt de cette mise en scène ancrée dans l’ici et maintenant. Quelques références à des enjeux d’aujourd’hui incluent la voix non binaire de la narratrice, dans un registre tantôt de mezzo-soprano, tantôt de ténor ; mais aussi cette relation entre deux hommes de pouvoir qui finissent par se désavouer, à l’image de Donald Trump et d’Elon Musk.

 On pense également au contexte plurilinguistique de cette époque, où l’on entend parler moyen français, anglais et allemand. « Becket, il devait passer ses journées comme moi, à Montréal, à parler anglais la moitié de la journée et français l’autre moitié de la journée parce que, quand il était à la cour, il parlait en français ; quand il était chez lui, il parlait en anglais », dit Marie-Annick Béliveau. On est « complètement dans le bonjour-hi montréalais ».
 À cela s’ajoute la présence de la guitare électrique, qui « va être associée, chez les gens, à la musique populaire », affirme la chanteuse mezzo-soprano. Cet instrument, qui, selon Thomas Desi, « émet un son très spécifique, très pur », est une allégorie de ce temps ancien où la population se massait autour des troubadours pour écouter cette histoire de l’assassinat de Thomas Becket.
 « Il ne faut pas s’attendre à un opéra comme on les connaît du 19e siècle, non. Ça ne suit pas ces dramaturgies classiques, prévient Thomas Desi, c’est plutôt une forme du Moyen-Âge qu’on [connaît] aujourd’hui très, très peu. » D’après lui, le public ne devrait pas le percevoir comme un spectacle avec de l’« action continue », mais comme une « méditation en douze tableaux ».

Théo Bou Eid (Contenu original pour le magazine „Entrevue Musique Théâtre“, 21 octobre 2025)


The opera “Fantôme de Roy,” a medieval story rooted in the contemporary world

The opera company Chants libres, in collaboration with Musiktheatertage Wien, will present the Canadian premiere of the contemporary opera Fantôme de Roy, which tells the story of the 1170 assassination of Thomas Becket by the knights of King Henry II Plantagenet. The opera, which will be performed on October 23, 24, and 25 at the Sacré-Cœur-de-Jésus Church in Montreal at 7:30 p.m., was composed by Thomas Desi, written by Thomas Ballhausen based on texts by Guernes de Pont-Sainte-Maxence, and performed by Marie-Annick Béliveau (vocals), Jonathan Barriault (electric guitar), Olivier Saint-Pierre (organ), a choir, and other solo voices. Thomas Desi and Marie-Annick Béliveau met nearly 30 years ago at Royaumont Abbey in France as part of the Académie Voix nouvelles, which aims to create new vocal works. For the premiere of Fantôme de Roy in Vienna, Thomas Desi contacted Marie-Annick Béliveau in 2022 to offer her the role of narrator. Following the premiere, the two artists were already talking about staging the work in Montreal.This opera recounts the friendship between King Henry II Plantagenet and his right-hand man, Thomas Becket.

Henry II wanted to put Becket at the head of the Church in England, giving him the position of Archbishop of Canterbury. Becket had no desire to take on this role. He eventually changed his mind about the king. “He said, ‘Now I have a new master, and that is God,’” Thomas Desi explains. Enraged, the king reportedly thundered, “Is there no one who will rid me of this troublesome priest?” His knights interpreted this as “an invitation to assassinate his former friend,” the composer continues. He died in Canterbury Cathedral on December 29, 1170. He was canonized three years later, and the king had to “bear the shame of being the one who had this holy man murdered,” adds Marie-Annick Béliveau. Bridges to the present Marie-Annick Béliveau’s role as narrator is in Middle French, a variant of French spoken in medieval France and at the English court, which has several similarities with Quebec French. „[For the performers], we called on people from the community, I would say. Citizens,“ says Marie-Annick Béliveau, who is also the artistic director of Chants libres.

Some of the singers have already received musical training, but not all of them. This staging choice allows for a diversity of profiles, ages, and backgrounds, which is in line with today’s reality in Montreal, she says. The opera singer argues that, although the plot of the play takes place in the 12th century, it echoes our present in many ways, hence the interest of this staging rooted in the here and now. Some references to today’s issues include the narrator’s non-binary voice, sometimes mezzo-soprano, sometimes tenor, but also the relationship between two powerful men who end up disowning each other, like Donald Trump and Elon Musk. The multilingual context of the period is also evident, with Middle French, English, and German being spoken. “Becket must have spent his days like me, in Montreal, speaking English half the day and French the other half because when he was at court, he spoke French; when he was at home, he spoke English,” says Marie-Annick Béliveau. We are “completely immersed in the Montreal bonjour-hi.” Added to this is the presence of the electric guitar, which “will be associated with popular music in people’s minds,” says the mezzo-soprano singer.

This instrument, which, according to Thomas Desi, “emits a very specific, very pure sound,” is an allegory of that ancient time when people gathered around troubadours to listen to the story of Thomas Becket’s murder. Don’t expect an opera as we know it from the 19th century, no. It doesn’t follow these classical dramas, warns Thomas Desi, it’s more of a form from the Middle Ages that we know very, very little about today. According to him, the audience should not perceive it as a show with “continuous action,” but as a “meditation in twelve scenes.”

Théo Bou Eid (Original content for the magazine “Entrevue Musique Théâtre,” October 21, 2025)